Quelles sont les raisons de la crise actuelle sur les emballages en carton ?

Depuis le début de la crise du Covid, le demande en carton a fortement augmenté tandis que les délais de production et de livraison s’étendent.

Le Covid-19 semble être un bouc-émissaire parfait. Mais est-ce la seule cause de la situation actuelle ? Du Covid à l’EverGiven, des scolytes à la spéculation sur pâtes, on vous explique d’où vient cette crise multifactorielle inédite.

I. La pression sur les matières premières des papiers et cartons

Pour fabriquer du carton, comme le papier, il faut des fibres vierges provenant du bois ainsi que des fibres usées issues des vieux papiers et cartons mis à recycler. Ces matériaux sont transformés industriellement en pâte à papier. C’est cette pâte à papier qui est à la base de tous les matériaux de type papier et carton d’emballage.

1. Les prix du bois continuent de chauffer

Le bois, paraît-il, pousse sur les arbres. Mais cela n’en demeure pas moins une ressource limitée et précieuse, face à une demande mondiale grandissante (construction, emballage).

La Chine continue d’augmenter ses importations de bois d’Europe. Les Etats-Unis, en pleine relance économique, sont en déficit de bois de construction et en importent massivement à tout prix. Ils en importent d’ailleurs bien plus qu’avant : les échanges États-Unis – Canada ont décliné après la mise en place de tarifs douaniers par Donald Trump en 2018.

Par ailleurs, face au changement climatique, les risques d’incendies s’accentuent fortement, exposant les forêts à des risques croissants. 2021 est un parfait exemple de l’accentuation de ces risques, avec, déjà, des dizaines de millions d’hectares brûlées à travers le monde.

Autre menace liée à ces conditions de plus en plus chaudes et sèches, des insectes nuisibles en profitent pour causer des dégâts massifs à nos réserves de bois. Les scolytes, des petits coléoptères présents du Canada à l’Europe, constituent une menace grandissante pour les massifs forestiers (Pins, Sapins, Epicéa). D’une part, cet insecte détruit des pans entiers de forêt, et d’autre part, il oblige le déclassement de millions de m3 de bois chaque année. Ces petits nuisibles ne datent pas d’hier, mais les conséquences dramatiques de leur prolifération sont sans précédent. ¹

En Europe, on peut aussi mentionner la chalarose, un champignon qui cause des dégâts massifs sur les populations de frênes. Venu dans les années 1990 – 2000 en France, la chalarose contamine désormais une région partant de la Seine Maritime jusqu’au Jura. Ce champignon vient d’Europe de l’Est et se plaît dans les forêts humides. Les moyens de lutte contre ce fléau restent principalement limités à l’abattage systématique des arbres malades.²

2. La pâte à papier subit l’envol de la demande

Jusqu’en 2018, la Chine constituait un pôle mondial du recyclage des vieux papiers et cartons. Si bien, qu’il y était ridiculement moins cher de recycler là-bas, qu’en Europe. La Chine importait en quantités monumentales des vieux papiers et cartons non triés, en tirant les prix vers le haut. Cela permettait à la Chine d’avoir accès à une ressource fibreuse pour fabriquer sa pâte à papier.

En 2018, la Chine a annoncé qu’elle n’accepterait plus de vieux papiers et cartons non triés. En effet, l’économie du recyclage du papier est très polluante dans le pays. Il s’agit là d’un moyen pour Beijing de restructurer une industrie polluante et de limiter les importations de déchets non triés.

Les déchets européens doivent désormais être recyclés sur place. Une tâche devenue complexe puisque les infrastructures actuelles peinent à accueillir ces tonnes de nouveaux déchets, non triés. La conséquence : un stock grandissant de déchets attend d’être transformé en pâte à papier par un nombre insuffisant de papeterie. Pour avoir une idée des capacité française : nous produisons environ 40% de notre consommation intérieure de pâte à papier. ³

Parallèlement, la Chine pallie à ce manque de déchets, par l’achat de pâte à papier. Elle consomme près de 38% de la pâte à papier mondiale. Ses principaux vendeurs sont l’Indonésie, le Brésil, le Canada et la Russie. Avec le fort pouvoir d’achat des entreprises chinoises et la demande grandissante, la pâte devient un produit spéculatif. Sur le marché chinois, la pâte a presque doublé de prix en un an, passant de 600$ la tonne à 1000$ la tonne. ^4.5

Conséquence sur les marchés européens : les prix de la pâte à papier ont augmenté de 10 à 20% entre mi-2020 et début 2021.

II. La hausse de la demande en cartons

1. Le succès de la vente en ligne

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Photo de 乐融高 sur Unsplash

Le vente en ligne représente en France près de 15% du commerce de détail. Cette tendance s’amplifie sous les pas des géants du E-Commerce tels Amazon, CDiscount ou Rakuten. Hors pour envoyer les marchandises, il faut du carton d’expédition. Étant absolument essentiels à l’activité du e-commerce, ces cartons sont stockés. Ils sortent alors provisoirement du cycle de revalorisation du papier.

2. Ecologie et législation

L’écologie prend une place grandissante dans les débats publics en France. Les français aspirent à une réduction de la pollution et des déchets. La loi anti-gaspillage de février 2020 illustre bien ce regain d’intérêt pour l’environnement. Cette loi prévoit notamment la restriction progressive de l’utilisation des plastiques jetables. Face à cette perspective, la demande en emballage carton ou papier, bien meilleurs pour l’environnement, connaît une croissance continue.

3. L’éruption du Covid-19

Avec la crise du Covid, le e-commerce, la vente à emporter et la livraison de repas ont connu une progression fulgurante. La livraison de repas, marché naissant en 2015-2016, est devenu avec cette crise sanitaire, un véritable réflexe de consommation. Aujourd’hui, environ 15% de la restauration commerciale est réalisée par la livraison à domicile. Cela pourrait même représenter 20% d’ici 3 ans. ⁷

Cette croissance joue sur la demande en carton ondulé (boite pizza), tout comme pour le papier souple (sac en papier, papier d’emballage). ⁸

III. Les retards du fret international

1. La crise du Canal de Suez

Nous avons tous vu ce navire, l’EverGiven, immobilisé presque une semaine en travers du Canal de Suez. Outre l’impact financier direct de l’arrêt du trafic des marchandises, estimé à presque 10 Mds $, le blocage a surtout créé un retard en cascade pour le fret mondial. De nombreux experts prévoient que les retards pris, ne seront pas récupérés avant plusieurs mois.

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Photo de Chengwei Hu sur Unsplash

2. Les grèves des dockers

En juin 2021, le port de Yantian (entre Shenzhen et Hong Kong) a fermé partiellement ses activités pendant 4 semaines, après 150 tests positifs au covid 19. Cela aurait généré un retard bien supérieur au blocage de Suez.¹¹

Deux mois plus tard, rebelote pour sur un autre port chinois : Ningbo-Zhoushan, situé à 100 km au sud de Shanghai. A partir du 11 Août 2021, il a fermé deux semaines après qu’un seul employé ait été testé positif au Covid 19.

Ces ports chinois sont respectivement les 4ème et 3ème plus grands ports à conteneur mondiaux (en équivalent de conteneurs de vingt-pied).¹²

Les fermetures de ports sont survenues alors que l’économie mondiale est sur la pente de la relance forcée, à l’image de l’économie américaine gonflée par la réserve fédérale. Les économies atrophiées post-confinement reprennent du poil de la bête. La demande s’est très vite relevée tandis que l’offre de conteneurs et porte-conteneurs se révèle insuffisante face à la reprise. La situation en Août 2021 : le prix d’un conteneur standard de 40 pieds est passé de 2 000 à 8 500$, de novembre 2020 à Août 2021. Les hausses du prix du fret ont eu des répercussions directes sur les prix de la pâte à papier.¹³

Conclusion

La situation reste difficile pour les marchés des emballages papiers et cartons. L’offre est débordée par la demande tandis que les prix du papier augmentent. Le transport maritime accuse un retard notable sur toute l’année 2021 et les prix du fret ont presque quadruplé.

Il faudrait aussi prendre en compte les coûts indirects, comme les prix de l’énergie. L’industrie papetière est particulièrement énergivore. L’envolée actuelle des prix de l’électricité, du pétrole et du gaz ne favorise pas un retour rapide à une situation normalisée.